Aurélia Jaubert
Ombres
2013-2014
11 digital prints : 62x96cm
2 digital prints : 62x180cm
5 exemplaires chaque
Série réalisée avec le soutien de EPSON France
L’idée développée pour la série Ombres est née du désir de saisir l’impalpable et d’un vague souvenir de cette période de l’Histoire de la photographie où l’on pensait pouvoir apercevoir l’âme, les fantômes ou l’aura, et ainsi rendre visible l’invisible.
Ombres est une sorte d’objet idéal où la présence et l’absence du corps cohabitent dans un même temps et un même espace, dans une forme d’utopie.
Ombres est une projection mentale, entre réalité et fiction : placée dans de nouveaux contextes, sortie de son origine historique et spatiale, l’image permet d'opérer des grossissements, des changements de point de vue.
Le spectateur s’y immerge en recréant inévitablement d’autres images, les icônes de son propre imaginaire, souvent bien loin de la réalité photographique originelle.
A l’instar de Thomas More, inventeur du mot utopia, afin de désigner le lieu imaginaire qu'il a conçu, Ombres à le désir d’élargir le champ de la perception dans une forme d’utopie photographique.
L’utopie, par définition sans lieu, mais présente en chacun de nous, partage avec Ombres ce non-lieu malgré tout perceptible puisque présent dans l’imaginaire de tous.
Le procédé photographique ne s’intéresse ici qu’à la trace du corps. Il en ignore la forme et son monde en multiples dimensions. Il en élimine la matière et n’en projette que les formes cachées.
En photographiant des ombres frontalement et dans un recadrage propre à chacune, sans tenir compte de leurs sources réelles, naît alors une sorte de peinture abstraite, composée de dégradés veloutés, désincarnée de son volume d’origine.
Ces dégradés emplissent l’image d’une consistance étrange un peu spectrale. Ils forment une sorte de nouvelle représentation équilibrée, un tout nouvel espace qui, ainsi que le suggérait Walter Benjamin évoquant l’agrandissement au cinéma, nous permet presque d’accéder à l’existence insoupçonnée des choses, « un espace ou règne l’inconscient », aux marges du visible.
Grâce à un cadrage serré qui lui permet de concentrer son regard sur un point précis agrandi et oublieux de son contexte, le spectateur s’immerge dans une dimension jusqu’alors inconnue où son inconscient recréera inévitablement des images, les icônes de son propre imaginaire, souvent bien loin de la réalité photographique originelle.
D’ailleurs, l’ombre ne désigne-t-elle pas parfois l'inconscient dans son ensemble ? Et au sens figuré ce qui est secret, caché, plongé dans l'oubli, ce qui est laissé dans l'incertitude ?