Aurélia Jaubert
3ème âge (le retour d’Ulysse)
2017-2018
Canevas assemblés et cousus
3m60x2m04
médaille d'argent / 16ème Triennale de tapisserie / Breaching Borders - Centralne Muzeum Wlokiennictawa, Lodz, Pologne - 5 oct 2019/20 mars 2020
3ème âge (le retour d’Ulysse) détail
Des femmes piquantes
par Natacha Nataf
Ce n’est pas tout à fait les dimensions de la Tapisserie de l’Apocalypse mais ça s’en approche… Apocalypse joyeuse de Jésus en tutu et de Mickey reluquant la Vénus au miroir de Vélazquez, 3e âge (le retour d’Ulysse) déverse des siècles d’histoire de l’art et d’imagerie populaire sans que l’on sache très bien si la chronologie des événements importe encore. Comme dans une petite nature morte de Cézanne ou un grand collage pop d’Erró, ce gigantesque assemblage de canevas, glanés çà et là, affole le regard en se dérobant à toute perspective rationnelle. Plus proche des compositions médiévales dans sa narration, c’est un hommage aux «ouvrages de dames», déclare Aurélia Jaubert. Naviguant par-delà le bon et le mauvais goût, aurait-elle trouvé la clé des songes dans des pièces de brocante et des trésors de grenier ? En associant librement des motifs de galion et de geisha, de chatons et de dauphin, de ballerine et de paysage de Courbet, l’artiste nous embarque en tout cas dans l’imaginaire de femmes rêvant encore à des licornes. Des Penelope à la retraite qui n’attendent plus le retour d’Ulysse pour se remettre chaque jour sur le métier et se projeter dans un monde de beauté. Avec l’humour piquant qu’on lui connaît, Aurélia Jaubert entend, par un juste retournement des choses, exposer dans l’espace immaculé d’une galerie ou d’un musée cet univers grouillant nourri de Chardin comme de Walt Disney. Ces travaux d’aiguille n’intéressent personne ? Le plaisir des vieilles dames n’est pas sexy ? Peut-être. Mais il est ici beau comme la rencontre fortuite d’une machine à coudre et d’un paradis perdu. Comme un retour du refoulé qui charrierait avec lui des vies et des vies passées à s’évader par l’image du cercle clos du foyer familial ou de la maison de retraite. Et l’on repense aux quatre mots merveilleux de la Dame à la licorne :
«A mon seul désir».
Prickly women
Natacha Nataf
Not quite the size of the Apocalypse Tapestry but we’re getting close… A merry apocalypse with Jesus-Christ wearing a tutu and Mickey Mouse ogling at Velázquez’s «Venus at her mirror», 3rd Age (the return of Ulysses) pours out centuries of history of art and popular imagery without us knowing if the chronology of events even matters. As if in a still life by Cézanne or a huge pop collage by Erró, this gigantic assembly on canvas, picked here and there, makes our gaze panic with its rejection of rational perspective. Closer to medieval compositions in its narration, this is a tribute to the «ouvrages de dames», states Aurélia Jaubert. Sailing beyond good and bad taste, has she found the key to dreams in these flea market pieces and other attic treasures? Freely associating patterns of galleon and geisha, kitten and dolphin, ballerina and Courbet’s scenery, the artist invites us in the imagination of women who still dream of unicorns. Retired Penelopes that no longer await their Ulysses’ return and go back everyday to their loom to cast themselves into a world of beauty. With a pricking sense of humor, Aurélia Jaubert intends, in a fair turnaround, to exhibit in the immaculate spaces of galleries and museums this swarming universe fed with Chardin and Walt Disney. Needlework won’t interest anybody? Those old ladies’ pleasures aren’t sexy? Maybe. But here, they are as beautiful as the fortuitous encounter of a sewing machine and a lost paradise. Like the return of the rejected that carts with it countless lives spent escaping the closed circle of family life or the retirement home through images. And we think back to the four marvellous words of the Lady and the Unicorn:
«To my sole desire».