Aurélia Jaubert

Exposition du 18 mars au 28 avril 2013


Galerie Sponte
183 avenue du Maine 75014 Paris

Nlles Hyperborées Continentales  >là

        
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Aurélia ou le mariage de la carte et
de la peinture

par  Gérard Fromanger
 

      
      Dans
l’Histoire de l’Art, le mariage de la carte et de la peinture est toujours
fusionnel. Ils ne font plus qu’un (oui, mais lequel ?) et c’est toujours
la peinture qui gagne – quand la carte sert de modèle au peintre, elle perd
tout son pouvoir de carte. Vidée de son sens, détournée de sa fonction,
instrumentalisée par l’artiste, elle s’abandonne pour servir un projet plus
vaste. Une fois la carte dans le tableau, plus jamais on y cherchera son chemin,
mais sa présence intrigue, étonne ou confère une nouvelle dimension à
l’ensemble.

     Dans
les tableaux de Vermeer, « La liseuse, en bleu », « Le soldat et
la jeune fille souriant », et bien sûr dans « La peinture »
(1658-1662), la carte de Hollande occupe la moitié de l’espace. En les
regardant, je me retrouve en Chine populaire , en 1974 : dans tous les
foyers paysans visités trônaient le portrait de Mao au centre d’une carte de
Chine à sa gauche et d’une carte de Chine dans le monde à sa droite. Partout la
carte comme une image du pouvoir. Le paysan chinois, la liseuse, le soldat, la
jeune fille et le peintre ne font qu’un avec la carte.

     Jasper
Johns peint ses « maps »
avec la même touche sensible que Cézanne ses pommes et la Sainte Victoire. La
peinture l’emporte sur une représentation scientifique des USA, sur un concept
froid. Contrairement au titre de l’exposition de Jed Martin, le héros
artiste-star de Michel Houellebecq dans « La carte et le
territoire », le territoire est plus intéressant que la carte.

     En
1970-1972, toujours dans le courant soulevé par les mouvements de mai 68 dans
le monde, le peintre suédois Öyvind Fahlström (« world maps »,
anti-impérialistes) et le peintre italien Alighiero e Boetti
(« Embroidered world maps, territori occupati »), réalisent
d’immenses cartes du monde, peintes ou brodées, engagées et poétiques.


     Au
coeur de l’art contemporain, Pierre Joseph, en l’an 2000, travaille sur la
mémoire et peint ce dont il se souvient d’une carte du métro parisien. Le
tableau s’intitule « Mon plan du plan du métro de Paris ». Le
résultat bouleverse mes certitudes. La carte a perdu de sa superbe, le plan son
exactitude et sa nécessité. Le tableau est la peinture qui nous reste quand on
a tout oublié.

    La
planète se réchauffe, les glaciers ne sont plus éternels, les icebergs fondent
à toute vitesse, les surfaces continentales apparaissent, les hyperborées de
l’extrême Nord naissent sous nos yeux. Les « cartographies
imaginaires » d’Aurélia Jaubert sont les premières échographies de la
gestation de la terre, les images neuves de la naissance de continents
inconnus, les premiers cris de la planète qui enfante.

   Pas
de pleurs sur le vieux monde qui s’écroule. Pas d’angoisse sur les
bouleversements à venir. La carte-pouvoir, la carte-peinture, la
carte-engagée, la carte-mémoire ont épousé les idées de leur temps. Devant les
bio-cartes-peinture d’Aurélia Jaubert j’assiste à l’origine, aux éruptions, aux
coulées de lave, aux continents en fusion. Je découvre « le pays central
luxe », « le déploiement pilote », « les monts muc-mac », « le grand désert Mirajo » et « les steppes
grand-mère ».

   Pour
Aurélia Jaubert, depuis « Piliformes », « Bulles »,
« Albumines » jusqu’aux « Oscillations » et aux
« Nouvelles hyperborées continentales », il s’agit toujours de la
naissance de la forme et de la couleur dans l’image. On agrandit un détail, on
zoome l’organique, on peint l’amniotique, on dessine avec précision les
cellules, les bactéries, les larves qui deviennent hyperborées- papillons.

   Aurélia,
fascinée par le blanc qui sort de l’oeuf dans l’eau bouillante qui le cuit, y
voit le monde en train de se refaire une nature, toute neuve, toute fraîche,
encore humide des couleurs qu’elle peint.

Gérard Fromanger

Montauto-Siena

Février 2013